Titre de la thèse
Politique de gestion des inondations et (re)productions d’inégalités socio-spatiales dans la plaine de la Koshi : Téraï oriental népalais et Bihar septentrional
présentée par Marie-Amélie Candau
doctorante du CEH et du projet Terre-Eau
Jury :
Olivia Aubriot, CNRS-CEH, co-directrice de thèse
Jean-Paul Bravard, Université de Lyon, rapporteur
Pierre Dérioz, Université d’Avignon/Espace-Dev, rapporteur
Frédéric Landy, Université Nanterre/LAVUE-IF Pondichéry, co-directeur
Thierry Ruf, IRD/GRED, examinateur
Résumé
Les inondations ont toujours représenté un défi aux sociétés humaines qui s’y sont plus ou moins bien adaptées. Le piémont méridional himalayen est certainement le lieu du défi le plus important posé à l’homme en raison de la puissance et l’irrégularité des débits, de la force de cette eau chargée de sédiments, de l’imprévisibilité des variations du fait de pluies de mousson erratiques, de l’instabilité des cours d’eau due à la rupture brutale de pente et de gradient hydraulique lorsque les rivières atteignent la plaine gangétique, mais aussi de la forte densité de population (plus de 500 hab./km²). L’aménagement de ces rivières, longtemps délaissé en raison de ces facteurs, est devenu l’obsession des états modernes de l’Inde et du Népal qui développent cette plaine, respectivement dans le Nord-Bihar et au Téraï, au potentiel socio-économique important, voire fondamental pour le Népal. Cet aménagement a pour but de maintenir les flux capricieux entre des digues, de répartir l’eau dans des canaux à l’aide de barrages d’écrêtage. Cependant, les résultats escomptés ne sont pas au rendez-vous. Les inondations se sont multipliées, devenant plus fréquentes et souvent plus longues à se résorber ; les superficies exposées se sont étendues, et surtout les causes se sont diversifiées, démontrant très clairement l’inadaptation des aménagements au but recherché. Cette inadaptation a pour conséquence des accidents de plus en plus nombreux, fréquents et destructeurs, à l’image de la spectaculaire catastrophe de 2008, encore vive dans les mémoires dix ans plus tard. L’analyse sur le terrain, sur six sites localisés entre les digues comme à proximité d’affluents de la puissante Koshi, confirment très largement ce constat, alourdi par l’étude de villages népalais et indiens dévastés en 2008. Les conséquences humaines sont dramatiques. La paupérisation des classes populaires est impressionnante, avec une augmentation incontrôlable du nombre de familles sans terre, vivant dans de terribles conditions de dénuement, sans soins, sans école, tandis qu’à côté la puissance des classes aisées ne cesse de croître. L’étude des circuits de décision et de distribution fait apparaître une organisation sociale à fondement « semi-féodal », où les héritiers des anciens zamindars sont restés de puissants propriétaires terriens qui orientent le choix des aménagements afin de protéger leurs terres, aux dépens des plus pauvres. Ainsi s’établit un mécanisme de passe-droit et de détournement des richesses, avec l’aide d’un pouvoir politique largement corrompu et clientéliste, qui atteint tous les centres de décision, de l’élu à l’ingénieur, de l’entrepreneur à l’ONG, et qui est désormais gangréné par les réseaux mafieux. La déliquescence du pouvoir central ou régional est tellement évidente que l’insécurité gagne l’ensemble du territoire, s’ajoutant à la vulnérabilité forte face au risque d’inondation qui stérilise de plus en plus de surfaces agricoles et menace des populations de plus en plus nombreuses.